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45 minutes entre la vie et la mort sur le mont Blanc

Le jeune aventurier Sander D’hespeel rêvait du sommet du mont Blanc. En redescendant, son rêve s’est transformé en cauchemar. Il est tombé dans une crevasse glaciaire avec deux de ses coéquipiers. Après une chute de 33 mètres et avec l’énergie du désespoir, il s’est accroché à un bloc de glace jusqu’à l’arrivée des services de sauvetage trois quarts d’heure plus tard. « Mais j’aimerais y retourner dès que possible. »


L’amour de la montagne

Il y a de l’excitation dans l’air au refuge Gonella. Il est une heure du matin. On range les assiettes et les tasses et on enfile les dernières couches de vêtements. Des mains rugueuses font des nœuds et accrochent des mousquetons. Elles attachent des crampons aux chaussures de montagne et s’emparent de piolets. L’ambiance est joyeuse comme un dernier jour d’année scolaire. Un événement spécial est sur le point de se produire. Le mont Blanc, le titan qui surplombe ce refuge, attend d’être escaladé. Ces hommes et ces femmes enhardis espèrent se trouver sur le toit de l’Europe occidentale dans environ huit heures.

 

L’un des grimpeurs s’appelle Sander D’hespeel (25 ans) et vient de Wevelgem. Il aime l’atmosphère de camaraderie qui règne dans les refuges de montagne, où tout le monde est dans le même état d’esprit. Un club pour les passionnés du grand air. Il a à peine fermé l’œil la nuit dernière, en partie à cause de son arrivée tardive au refuge, des ronflements des autres alpinistes et d’une bonne dose d’exaltation. Cela fait longtemps qu’il rêve de ce genre d’aventure. Depuis la lecture d’Into the Wild, qui retrace l’histoire de Christopher McCandless et qui a attisé la soif de liberté de toute une génération.

Sander aime l’atmosphère de camaraderie qui règne dans les refuges de montagne, un club pour les passionnés du grand air. Même s’il a à peine fermé l’œil à cause de l’exaltation.

Ce livre l’a poussé à explorer la nature sauvage, armé d’un sac à dos et d’une tente. Il y a quelques années, accompagné d’un ami, il a erré sur le plateau montagneux hostile de Hardangervidda en Norvège. Il s’est attelé à un tour des refuges dans les Alpes autrichiennes. Et en 2019, il a achevé une partie de la Haute Randonnée pyrénéenne, un sentier de grande randonnée qui relie l’océan Atlantique à la mer Méditerranée. Lors de sa première journée dans les Pyrénées, il est arrivé au Vignemale, où une falaise spectaculaire de 700 mètres de haut surplombe les environs. « La sensation que l’on a dans les montagnes est presque indescriptible », dit Sander. « Les vues, les gens que l’on y rencontre : c’est difficile de trouver les mots. »

Sander se sent parfaitement heureux, surtout pendant les derniers mètres avant le sommet, l’effort final. Peu importe de quelle montagne il s’agit. Lors de l’ascension du mont Perdu qui, avec ses 3 355 mètres, est le troisième plus haut sommet des Pyrénées, naît l’idée de gravir un « vrai » sommet. « C’est à ce moment-là que j’ai commencé à voir le sommet comme but du voyage », convient-il.

 

Son choix s’est porté sur le mont Blanc, on seulement parce que c’est la plus haute montagne d’Europe occidentale, mais aussi parce que, techniquement, ce n’est pas une ascension très difficile. Du moins, par temps favorable. « Après quelques recherches, il m’a semblé que c’était une montagne praticable », explique Sander. « Mon père est parti à maintes reprises dans les Alpes et il se vantait souvent d’être monté sur le glacier du Mont-Blanc. Peut-être que j’avais envie de le surpasser, d’une certaine façon. »


Un premier avertissement dans les Dômes de Miage

Sander n’est pas un alpiniste expérimenté. Il fait souvent de l’escalade en salle avec sa petite amie et entretient sa forme physique en nageant et en marchant. Il a davantage l’envie de s’imprégner de l’air de la montagne qu’une expérience de l’escalade. C’est très bien, c’est ce que lui a inculqué son guide belge, qui s’est retrouvé au sommet du mont Blanc plus souvent que la plupart des mortels sur le pont qui traverse le ruisseau le plus proche du village. Il a réussi à atteindre une altitude de 4 810 mètres une quarantaine de fois. Chaque année, ce guide accompagne des gens sur la montagne. En été 2020, Sander l’accompagne, ainsi que sept autres alpinistes amateurs belges.

Qui est Sander D’hespeel ?

25 ans

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Il vit à Wevelgem, en Flandre occidentale, en Belgique.

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ll travaille au service clientèle de GTV, un magasin de télécommunications à Harelbeke.

LLe groupe part de Saint-Gervais-les-Bains jusqu’au refuge des Conscrits, à 2 580 mètres d’altitude, pour s’entraîner à grimper. À trois heures et demie, un groupe restreint commence la traversée des Dômes de Miage. Pour Sander, c’est la première expérience de randonnée alpine. Et quelle expérience ! Sur une crête très étroite, parfois pas plus large qu’un couloir d’hôpital, le parcours leur fait traverser la neige de la véritable haute montagne alpine. Par moments, la clique doit escalader des rochers. Quand le soleil illumine le paysage, Sander s’émerveille devant les panoramas à couper le souffle. De belles images, à 360 degrés à la ronde.

Sur une crête très étroite, parfois pas plus large qu’un couloir d’hôpital, le parcours leur fait traverser la neige de la véritable haute montagne alpine. De belles images, à 360 degrés à la ronde.

Dans les Dômes de Miage, la montagne lance un premier avertissement. Au lever du soleil, le pied de Sander s’enfonce dans une crevasse glaciaire. Ces crevasses sont parfois si profondes qu’on ne peut pas en voir le fond, comme un puits dans lequel il faut jeter un caillou pour en connaître la profondeur. Cette fois, l’issue est heureuse. Sander ose un coup d’œil vers le bas et prend conscience du désastre auquel il vient d’échapper. Mais il n’y pense pas trop, anesthésié par le paysage magnifique. À sept heures du soir, près de 16 heures après leur départ, l’équipe pousse la porte d’un refuge chaleureux. « Cette journée était agréable », dit-il. Sander se sent prêt pour le mont Blanc.


Le vent et le froid

Après une journée de repos, le groupe attaque l’ascension du sommet par le versant italien de la montagne. Le versant difficile : au départ de Courmayeur, il n’y a qu’un seul refuge sur la route. Du côté français, il y en a deux, ce qui permet aux alpinistes d’escalader le sommet depuis une altitude plus élevée. Mais Sander se sent en forme et, dans l’obscurité, le groupe grimpe lentement mais sûrement, au rythme du piolet qui transperce la neige. Le manque d’oxygène dans l’air fait siffler les poumons. Tout est plus lent, un pas à la fois, mais personne ne souffre de mal des montagnes. Yes, se dit Sander, il est en train d’escalader le mont Blanc !

La sensation que l’on a dans les montagnes est presque indescriptible.

Vers huit heures et demie, le temps tourne. Il faisait déjà un froid glacial, mais là, c’est une tempête qui s’annonce. Le vent mugit, frappe et atteint des rafales de 90 kilomètres à l’heure. L’altitude de gel se situe à 4 300 mètres, mais les fortes rafales entraînent une température ressentie bien au-dessous de zéro. Dans le dernier abri, à une altitude de 4 400 mètres, Sander et les autres ajoutent quelques couches à leur équipement. Et ils en profitent pour boire un peu de café. Pour le guide, une chose est désormais claire : le groupe ne verra pas le panorama depuis le sommet du mont Blanc cette année.

 

« Nous avons repris la crête dans le sens inverse, par ce mauvais temps », dit Sander. « À chaque coup de vent, nous nous asseyions. Nous nous faisions tout petits et, si nécessaire, nous enfoncions notre piolet et notre pioche dans la neige. Pendant un moment, j’ai bloqué, mais je n’étais pas le seul. » Heureusement, le guide est resté calme. Il a rassuré le groupe. Après trois ou quatre rafales, les grimpeurs s’habituent aux conditions et accélèrent le rythme. À la lumière du jour, Sander parvient même à se régaler des paysages, ce que l’obscurité aurait rendu impossible pendant l’ascension. « Le temps était nuageux, mais c’était magnifique », se souvient-il, encore rêveur.


À travers la glace

Sander précède les autres, enchaîné à deux camarades. Le guide suit un peu plus loin avec deux autres grimpeurs. Cela fait un moment qu’ils voient le refuge Gonella dans la vallée, ils en ont encore tout au plus pour une demi-heure. Même si c’est son premier séjour au Mont-Blanc, Sander s’oriente assez facilement. Il suit les traces que lui et ses compagnons ont laissées derrière eux plus tôt dans la journée. Jusqu’à ce que le trio arrive à un point où les empreintes s’estompent. Après concertation, ils avancent tout droit. Sander pose le pied sur un pont de neige au-dessus d’une crevasse, comme ils en ont traversé des dizaines ce jour-là.

 

Cette fois, le pont s’effondre, réchauffé par le soleil, et Sander dégringole tout droit vers le bas. Tout va très vite. « C’est un peu comme sur un toboggan dans un parc d’attractions, quand l’eau vous éclabousse le visage. En bien plus brutal. » Le bleu du ciel et le blanc de la neige et de la glace défilent devant ses yeux.

Sander pose le pied sur un pont de neige au-dessus d’une crevasse, comme ils en ont traversé des dizaines ce jour-là. C’est là que les choses tournent mal.

Normalement, les alpinistes, reliés par une corde, marchent perpendiculairement par rapport aux crevasses. Si l’un d’eux tombe, les deux autres ont alors encore suffisamment de distance pour freiner. Ils enfoncent leur pioche dans le sol et essaient d’amortir le choc. Mais au lieu d’être perpendiculaires, les trois hommes sont maintenant parallèles à la crevasse. La distance est donc bien plus courte. Sander entraîne ses compagnons dans le vide. Leur chute ne s’arrête que 33 mètres plus bas. Ses compagnons atterrissent sur une table de neige. L’un se fait mal aux côtes, l’autre se casse une jambe.

 

Sander tombe dans un entonnoir et se retrouve partiellement coincé entre les parois de neige, à environ cinq mètres des autres. « J’étais tourné à 90 degrés et j’avais un bloc de glace entre les jambes, comme un gros ballon de yoga. Dès que je le lâchais, je me sentais glisser vers le bas. J’étais persuadé que je risquais de tomber plus bas à tout moment. Ça aurait vraiment pu mal tourner. » Sander panique. Il pense qu’il va mourir. Qu’il ne reverra plus jamais sa petite amie, son père, sa mère – qui ne voyait déjà pas son aventure d’un bon œil – sa sœur, ses grands-parents, ses amis. Le romantique rêve Into the Wild de Sander menace de se transformer en cauchemar.


Adrénaline

Il cesse alors de réfléchir. De toutes ses forces, il essaie de s’accrocher à la boule de neige. Il y met tant de puissance qu’il se déchire un muscle du biceps gauche. Mais il ne sent rien. L’adrénaline a fait disparaître toute douleur ou sensation de froid. Il n’a plus aucune notion du temps. « C’était long, mais j’étais incapable de dire si ça faisait 10 minutes ou une heure. »

J’étais persuadé que je risquais de tomber plus bas à tout moment. Ça aurait vraiment pu mal tourner.

Les trois appellent à l’aide. La première idée de Sander est de faire descendre une corde. « Mais c’était trop dangereux et impossible en pratique, surtout compte tenu de nos blessures. Nous nous sommes mis à parler. Ma situation était critique et les autres ont dû me calmer. Heureusement, nous sommes tous restés conscients et personne ne saignait. C’est ce qui a rassuré nos amis à la surface. »

 

Entre-temps, le guide et les deux autres grimpeurs, qui ont vu leurs camarades engloutis, ont informé les services de secours. Trois quarts d’heure après la chute, un secouriste italien descend dans la crevasse. Il accroche Sander à une deuxième corde pour le hisser jusqu’à la surface. « Je ne cessais de penser que j’allais mourir. Jusqu’au moment où on m’a secouru », raconte-t-il.

Pas fini de grimper

La montagne gagne toujours, selon un proverbe d’alpiniste. Même si le mont Blanc est loin d’être l’ascension alpine la plus difficile, il y a souvent des morts. Parfois parce que des imbéciles non préparés se lancent dans l’ascension en short (sérieusement !) et en « baskets que porterait une grand-mère pour marcher en ville », selon la police française. Mais même les alpinistes chevronnés se retrouvent parfois dans des situations catastrophiques à cause de tempêtes, d’avalanches ou d’un banal accident.

 

Cette fois, la montagne ne gagnera pas. Sander a la chance d’être encore là pour raconter son aventure. Il est secouru par hélicoptère. Il se retrouve à l’hôpital d’Aoste et s’en tire avec un muscle déchiré, une belle éraflure au visage et un œil au beurre noir. Ses poumons sont tuméfiés. Quand il inspire profondément, il a l’impression qu’une ceinture lui enserre le torse. Le pronostic de ses compagnons est plus sérieux : l’un a six côtes cassées, l’autre a une double fracture de la jambe, une blessure à la hanche et une épaule fêlée.

L’alpinisme pour les nuls

Envie de grimper jusqu’au sommet d’une montagne pour la première fois ? Plus encore que pour la randonnée en montagne, il vous faut les connaissances, la technique et le matériel nécessaires pour faire de l’alpinisme. En plus d’un sac à dos, de chaussures de montagne robustes, d’une trousse de premiers secours et d’une lampe frontale, votre équipement doit comprendre les articles suivants :

  • Des crampons pour avoir prise quand vous escaladez un glacier ou une chute d’eau gelée — ce que l’on appelle « l’escalade glaciaire ». On les fixe sous une paire de chaussures de montagne robustes à tige haute et semelle rigide.
  • Un casque d’escalade : essentiel pour se protéger la tête contre les chutes de pierres ou en cas de chute dans une crevasse glaciaire.
  • Un baudrier et une corde d’escalade : utiles non seulement pour l’escalade verticale, mais aussi pour traverser un glacier en groupe.
  • Des piolets : un dans chaque main pour faire de l’escalade glaciaire.

CONSEIL : ne vous aventurez jamais seul dans les montagnes si vous êtes débutant ! Faites appel à un guide de montagne qualifié et suivez un cours d’initiation à l’alpinisme pour être bien préparé lorsque vous arrivez au point de départ – ou au pied de la montagne.

 

Du baudrier au mousqueton, du sac à dos léger aux chaussons d’escalade adhérents. Saviez-vous qu’A.S.Adventure dispose d’équipement d’escalade ?

« Entre l’hélicoptère et l’ambulance, entre un lit et un autre, entre le scanner et le médecin : j’ai à peine eu le temps de penser à ce qui s’était passé. Ce n’est qu’en ayant mon père et ma petite amie au téléphone que j’ai senti l’émotion monter. » Quand nous lui parlons, quelques mois après l’accident, Sander semble toujours avoir le moral. Il a beau avoir frôlé la mort, son amour de la montagne reste inchangé. « Psychologiquement, j’ai assez vite digéré l’événement », dit-il. « Une fois chez moi, il m’est toutefois arrivé de me réveiller en panique. Ma petite amie m’a dit que je bredouillais des phrases à propos du mont Blanc. Ça a été plus difficile pour elle. C’est surtout l’idée que j’ai sans cesse pensé que j’allais mourir et que je ne reverrais plus jamais mes proches qui la tourmentait. »

 

Sander aimerait retourner au Mont-Blanc, comme pour finir le travail inachevé. Ces co-équipiers aussi veulent regoûter à la montagne. L’accident a fait du groupe une équipe soudée. Certains d’entre eux envisagent de suivre ensemble un cours d’alpinisme. Sa petite amie, tout aussi passionnée de sport et d’aventure, aimerait l’accompagner la prochaine fois. « Comme je n’ai pas atteint le sommet, je veux retourner dès que possible », affirme-t-il, déterminé.

L’aventure alpine de Sander vous semble un peu trop téméraire, mais vous aimeriez quand même voir de près le plus haut sommet des Alpes ? Uwe Depoorter, photographe, va vous donner envie d’une randonnée en montagne sur le mont Blanc.


Marcher en haute altitude exige certaines connaissances et compétences. Heureusement, nous vous offrons une multitude de trucs et astuces pour réussir votre randonnée en montagne !


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